De nouveaux outils pour mesurer les indicateurs agroécologiques
De nouveaux outils pour mesurer les indicateurs agroécologiques des plantes et des animaux
Le PEPR Agroécologie et Numérique finance plusieurs projets d’infrastructures pour accélérer la transition agroécologique. Parmi eux, deux projets phares explorent de nouveaux moyens d’observer le vivant : PATASEL, dédié aux animaux, et AgroEcoPhen, dédié aux plantes. Leur ambition commune : identifier de nouveaux caractères intéressants pour l’agroécologie et contribuer à concevoir des systèmes agricoles plus durables.
Qu’est-ce qu’une infrastructure de recherche ?
Les infrastructures de recherche regroupent des équipements et services partagés qui permettent aux scientifiques de mener leurs travaux. Il peut s’agir :
d’équipements ou instruments scientifiques ;
de ressources comme les collections, les archives et les bibliothèques scientifiques ;
d’infrastructures virtuelles, telles que les bases de données, les systèmes informatiques et les réseaux de communication.
L’utilisation d’infrastructures de recherche est devenue, dans la plupart des disciplines, une condition impérative de compétitivité scientifique et de rayonnement international.
Observer autrement : le phénotypage au service de l’agroécologie
Le phénotypage consiste à mesurer les caractéristiques observables d’un être vivant (taille, couleur, rendement, résistance aux maladies…). Ces caractéristiques dépendent à la fois de son patrimoine génétique (génotype) et de l’environnement dans lequel il vit. Elles sont mesurées à toutes les échelles du vivant, de la molécule à l’organisme entier, voir son écosystème.
Le couplage entre robotisation et mesures à haut débit a permis d’automatiser le processus d’acquisition des données grâce à des capteurs, caméras, robots et logiciels d’analyse. Cette automatisation se traduit par des données plus nombreuses (on parle de données à haut débit), plus rapidement exploitables (parfois en temps réel) et plus précises que les mesures manuelles.
Mais l’ambition des projets d’infrastructures va bien au-delà du simple gain de débit : il s’agit de diversifier les caractères observés pour identifier de nouveaux indicateurs agroécologiques. Les données collectées contribuent aux recherches pour mieux comprendre et prédire comment les plantes et les animaux réagissent aux stress (hydrique, thermique…), aux aléas climatiques, aux maladies, aux variations d’alimentation ou aux interactions avec d’autres espèces. Autant d’informations nécessaires pour adapter les pratiques agricoles et renforcer la durabilité des systèmes (réduire les émissions de gaz à effet de serre, limiter l’usage d’intrants de synthèse, améliorer le bien-être animal, etc.).
Projet PATASEL : des outils pour des élevages plus durables
Les systèmes d’élevage évoluent : ils ne visent plus seulement la performance économique, mais cherchent à concilier efficience, santé, bien-être animal et réduction de l’empreinte environnementale.
Le projet PATASEL, porté par l’infrastructure de recherche LiPH4SAS, vise à doter la recherche d’équipements capables de mesurer de nouveaux caractères clés pour la transition agroécologique : émissions de gaz à effet de serre, efficience alimentaire, comportements sociaux, santé et bien-être.
Depuis le début du projet en 2023, une quinzaine d’équipements multi-espèces ont été financés au sein d’unités expérimentales INRAE. Selon les cas, les équipements sont achetés auprès de fournisseurs commerciaux, ou spécialement développés pour répondre aux besoins de la recherche.
Mesurer les émissions de gaz à effet de serre pour lutter contre le changement climatique
Chez les petits ruminants, des chambres portables (ou PAC, Portable accumulation chambers) permettent de mesurer les émissions de gaz à effet de serre de 12 animaux simultanément. Le principe consiste à placer l’animal dans une chambre fermée et calculer l’ensemble des gaz émis par chaque animal. Il s’agit d’un système portable qui peut donc être transporté sur différents sites d’expérimentation.
Chez les bovins, des équipements GreenFeed ont été financés. Il s’agit d’un outil innovant qui permet de mesurer les émissions de méthane et de dioxyde de carbone en captant l’haleine des bovins à la mangeoire et fait aujourd’hui office de référence.
Les données collectées et analysées permettent d’améliorer l’estimation des émissions de méthane des animaux et contribuent notamment aux stratégies de sélection pour la réduction des gaz à effet de serre.
Déterminer l’efficience alimentaire et la consommation en eau pour optimiser les ressources
Le projet PATASEL a financé des distributeurs automatiques d’eau pour les petits ruminants, qui mesurent à la fois la consommation et le poids des animaux, pour mieux prendre en compte leurs besoins et optimiser l’usage des ressources. Ces distributeurs ont été adaptés pour la mesure des consommations d’eau au pâturage. En effet, en bâtiment, les distributeurs sont fixés et bénéficient d’une source d’énergie constante. Une équipe d’automaticiens a donc adapté les distributeurs pour un usage en plein air, en les rendant amovibles et en les dotant de panneaux solaires.
Plusieurs autres distributeurs automatiques pour mesurer l’ingestion ont été financés : ingestion du lait par les veaux, ingestion d'aliments concentrés par les porcs, dispositifs innovants de mesure de la consommation alimentaire individuelle des poissons.
Ces équipements permettent de suivre de façon très précise la consommation des animaux et de mieux gérer l’utilisation des ressources alimentaires, afin de réduire le gaspillage et l’empreinte environnementale de l’alimentation. Ils sont également essentiels pour l’étude des comportements alimentaires.
Evaluer les comportements pour mesurer le bien-être animal
Des colliers connectés munis d’accéléromètres – des capteurs qui permettent d’enregistrer les mouvements des animaux comme les déplacements ou les postures – ont été conçus sur mesure pour les petits ruminants. Plusieurs contraintes étaient à prendre en compte : un tour de cou plus réduit que chez les bovins, des différences de tenue entre moutons et chèvres, sans oublier la curiosité bien connue des chèvres, qui n’hésitent pas à mordiller les colliers de leurs congénères. Un important travail d’adaptation a donc été nécessaire. Ces colliers connectés permettent de suivre les comportements au pâturage et de fournir des indicateurs clés de santé et de bien-être.
Chez les bovins ont également été financés : une centaine d’accéléromètres et 2 systèmes Farmbox, un système de colliers connectés qui permet de détecter les chaleurs, le vêlage, les troubles alimentaires et le bien-être.
Enfin, des caméras 3D associées à l’intelligence artificielle permettent désormais d’analyser automatiquement le comportement des animaux, une tâche auparavant réalisée par observation directe, et très chronophage. Concrètement, la possibilité de surveiller la posture des truies lors de la mise-bas permet d’identifier et de sélectionner les femelles avec une attention maternelle plus prononcée, qui font attention en se couchant, et ainsi limiter les risques d’écrasement accidentel des porcelets (au lieu de le faire en empêchant la truie de se coucher).
L’analyse comportementale permet aussi d’étudier les interactions sociales (positives ou négatives) au sein d’un groupe et de prévenir les troubles. Ainsi, les porcs peuvent mordre la queue de leurs congénères en signe de frustration, ce qui peut entraîner des infections graves. Pour l’éviter, certains éleveurs coupent encore la queue des porcs. Avec l’analyse vidéo, les éleveurs peuvent repérer les premières tentatives de morsures et adapter l’environnement pour éviter la généralisation de ce comportement.
Projet AgroEcoPhen : des outils pour des cultures plus résilientes
Côté végétal, le projet AgroEcoPhen fait partie de l’infrastructure nationale PHENOME-EMPHASIS, qui met à disposition de la communauté scientifique une série d’outils (capteurs, outils d’analyse d’images) permettant de phénotyper des centaines de variétés ou génotypes.
Le projet AgroEcoPhen vise à élargir le réseau de sites expérimentaux pour tester de nouvelles variétés et pratiques de culture, dans des conditions environnementales variées. Cela permettra de comprendre comment les plantes réagissent à l’environnement pour développer des cultivars plus résistants et économes en intrants (eau, engrais, pesticides) et d’adapter les pratiques.
L’originalité du projet AgroEcoPhen réside dans l’utilisation de capteurs installés sur des vecteurs haut débit. Cette approche permet de collecter un très grand nombre de mesures en un temps réduit, par rapport au comptage manuel. Elle garantit aussi des images prises dans des conditions standardisées (même lumière, mêmes angles), assurant une meilleure fiabilité des données.
Le projet, débuté en 2023 pour une durée de 5 ans, a déjà permis de développer un prototype de piquet connecté permettant d'acquérir de manière autonome des images et données environnementales en grande culture, avec transmission vers un serveur distant. Une vingtaine de piquets connectés ont été fabriqués pour diverses unités INRAE et le GEVES (Groupe d'étude et de contrôle des variétés et des semences). L’objectif est d’implémenter les piquets sur différents sites pour augmenter les flux et l’origine des données et ainsi améliorer la fiabilité et la précision des modèles de traitement des données.
Les piquets connectés associent :
des caméras, qui analysent les plantes (stade de floraison, signes de maladies, présence de ravageurs),
et des capteurs qui mesurent les conditions de l’environnement (vent, humidité, température).
Contrairement à une station météo classique, les piquets connectés associent les données environnementales à l’état observé des plantes (floraison, infestations, maladies). L’intelligence artificielle permet alors de relier les deux et d’analyser les conditions environnementales favorables et défavorables à la croissance des plantes et au développement de maladies. L’avantage majeur est d’offrir un suivi en temps réel des cultures, sans avoir à se déplacer sur la parcelle. Les données recueillies permettront ainsi de proposer des pratiques agricoles adaptées pour optimiser la croissance tout en limitant les agents pathogènes et les ravageurs. En complément des piquets connectés, le projet a également permis d’acquérir 2 drones pour fournir des informations sur les couverts végétaux et sur l’implémentation des cultures en début de cycle.
Le projet AgroEcoPhen a aussi permis de concevoir un robot mobile de phénotypage, ou phénomobile, spécialement adaptée aux cultures en rang (arboriculture et viticulture), qui sera bientôt déployée. Les phénomobiles sont des robots autonomes, équipés de capteurs, caméras et d’un système de guidage, qui parcourent les parcelles pour scanner les plantes. Elles opèrent à hauteur de culture, ce qui offre une résolution plus fine et une meilleure précision que les drones pour détecter ravageurs ou adventices.
Chaque phénomobile est adaptée aux spécificités de la culture étudiée. Par exemple, elles sont dotées d’un enjambeur pour les cultures basses comme le blé tandis qu’elles sont équipées d’un bras déporté pour les cultures hautes comme le maïs. Pour l’arboriculture et la viticulture, un modèle dédié a été développé avec une tête d’imagerie verticale. Les chercheurs travaillent encore à perfectionner l’intelligence artificielle embarquée, afin d’analyser les images plus finement et de distinguer les arbres de l’arrière-plan.
Ces dispositifs illustrent comment le numérique et la robotique transforment le phénotypage afin de collecter de nouvelles données indispensables pour l’agroécologie. Au-delà des équipements, ces infrastructures représentent un investissement stratégique pour toute la communauté scientifique. Elles permettent d’accumuler des données utilisées pour la création de connaissances qui contribuent à apporter des solutions concrètes en réponse aux grands défis agricoles.
Les infrastructures favorisent les collaborations entre disciplines et projets. Le projet PATASEL collabore avec les autres projets du PEPR Agroécologie et Numérique notamment les projets WAIT4, HOLOBIONTS et ADAAPT. Le projet AgroEcoPhen travaille en lien avec le projet Pl@ntAgroEco pour améliorer la reconnaissance d’espèces et de maladies.
Ces nouveaux outils génèrent une quantité considérable de données. L’un des défis à venir consiste à les gérer et les analyser de manière plus sobre et durable. Il s’agira de renforcer les chaînes d’analyse tout en intégrant des approches d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique, afin d’exploiter pleinement le potentiel des données tout en maîtrisant leur impact environnemental.
En soutenant le développement d’outils de pointe dans des infrastructures de recherche, le PEPR Agroécologie et Numérique participe à la stratégie nationale d’accélération pour des systèmes et équipements agricoles durables.
Remerciements pour l’aide à la rédaction de cet article : Jean-Pierre Bidanel et Yvon Billon pour le projet PATASEL et Tania Rougier et Bertrand Muller pour le projet AgroEcoPhen.
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